28 mars 2017

ENTRETIEN AVEC CORENTIN DIGARD, PREPARATEUR PHYSIQUE DU CLERMONT FOOT 63

Aujourd'hui, c'est un jeune préparateur physique que je vous présente, mais avec déjà une belle expérience dans le football, une interview réalisée à distance avec Corentin DIGARD. Toujours intéressant de connaître les trajectoires, les parcours, de savoir les modes de fonctionnement et outils utilisés par les PA de clubs.

Peux-tu te présenter et décrire ton parcours jusque là ? (parcours scolaires, diplômes, expériences professionnelles, etc...)?

Corentin DIGARD, 28 ans. Préparateur physique au sein du staff professionnel du Clermont Foot 63 depuis cette saison.
Auparavant, j'ai travaillé à l'AJ AUXERRE (L2) en 2015-2016, JURA SUD FOOT (CFA) en 2014-15, FC MARTIGUES (CFA et National) de 2011 à 2014, et à l'AS CANNES (National) de 2009 à 2011 lors de mon stage Master.
J'ai obtenu une licence STAPS Entraînement Sportif (L1 et L2 à Lyon 1, L3 à Nice). Puis j'ai validé un Master Préparation physique et mentale à Lyon 1.
J'ai également passé le DU préparation physique dispensé au CEP Dijon.

Quelles sont tes missions, ton rôle, et ta place de préparateur physique auprès de l'équipe professionnelle ?

J'interviens sur la programmation athlétique pour le groupe, avec l'élaboration du contenu des cycles ou microcycles de travail tout au long de la saison. 
Je suis en charge du travail physique individuel avant ou après l'entraînement collectif, notamment à but préventif ou encore le travail de force en salle ou sur le terrain. 
J'effectue la plupart des mises en train de début de séance. 
J'anime les séquences de préparation associé ou dissocié, et parfois celle intégré. Tout comme certaines phases de retour au calme après entraînement. 
Et je gère également la réathlétisation des joueurs ayant une blessure en étroite collaboration avec le staff médical. 
Je m'occupe également du suivi de la charge d'entraînement, en effectuant un rapport quotidien au coach.

"On est au service du club 
et donc du coach"
Suite à tes divers expériences précédentes en club (amateur, pro...) et avec différents coachs, que retiens-tu ? Quels enseignements tu en retiens ?

Chaque coach a sa manière de fonctionner, avec ses propres demandes et attentes concernant son staff. Certains sont plutôt dans l'échange, d'autres plus directifs, il faut savoir s'adapter. Mais en tant que préparateur physique on doit rester à sa place, et ne pas outrepasser son rôle. On est au service du club et donc du coach. Il me semble important d'être capable de justifier, d'argumenter pourquoi on veut donner telle ou telle orientation. Tout comme il est primordial de s'adapter au cas où cela ne se déroule pas comme on l'avait prévu. 
Dans un staff amateur, j'ai eu un champ d'action élargi, dépassant la préparation physique. Cela a été très formateur. Mais dans un staff pro, vu le nombre d'adjoints, on peut davantage se concentrer sur nos tâches premières en étant, à mon sens, plus efficace sans pour autant fonctionner avec des œillères.
Il me semble indispensable que le staff soit uni, soudé, pour traverser du mieux possible une saison de football. 

Peux-tu nous dire comment organises-tu le suivi de la charge hebdomadaire ? Quelle méthode utilises-tu ? Comment t'organises-tu ?

J'utilise la méthode de perception de l'effort (RPE) via l'application MyCoach RPE pour quantifier la charge d'entraînement. On utilise ce monitoring ; pour programmer les charges, les contrôler, et pouvoir ainsi vérifier l'adéquation entre la charge prévue et la charge réalisée par les joueurs. Après chaque séance ils répondent à quelques questions sur leur téléphone (ou sur une tablette disposée dans le vestiaire). On obtient donc un training load individuel à chaque joueur. Si on remarque des différences trop importantes au cours d'une semaine par rapport à la charge des semaines précédentes, on peut alors aménager un programme pour un joueur qui pourrait être "à risque".

On a aussi l'outil GPS pour les indicateurs externes avec la société FIELDWIZ, après chaque séance je recueille les données et je fais un bilan que je transmets à la coach. Dans celui-ci, elle peut retrouver la distance totale parcourue par le joueur, la distance parcourue à haute intensité (> à 19 km/h), et le ratio (en pourcentage) entre ces 2 paramètres. Apparaît également le nombre d'accélérations (> à 2,5 m/s²), le nombre de sprint, ainsi que la vitesse maximale. Cela va notamment nous permettre de voir si on était dans les clous par rapport à l'objectif de la séance, ou bien si on est à un niveau inférieur ou supérieur (vigilance accrue lors des 48 heures précédents le match).

Pour croiser tous ces indicateurs, on a à notre disposition une plateforme, PERFBOOK. Au fur et à mesure que la saison avance, on commence à connaître les joueurs et ce qu'ils sont capables de produire sur le plan athlétique. Le but n'est pas de les fliquer mais surtout de déceler si jamais on a des joueurs qui sont un peu moins bien afin de prévenir les blessures. Lorsque sur des séances relativement comparable au niveau de la charge d’entraînement appliquée, on repère une diminution d'activité, on peut alors discuter avec lui pour voir si cela peut-être liée  une période plus difficile pour lui.

Quelle est la place de la méthode intégrée dans l'agencement de tes contenus PA hebdomadaire ?

Je ne suis pas adepte du tout intégré, il me semble nécessaire d'utiliser le travail dissocié ou associé lors de certaines phases d'un cycle ou micro-cycle. Cependant, il est clair qu'il ne faut pas perdre de vue que l'objectif est que les joueurs soient performants sur le plan footballistique. Sur le terrain, lors des séances collectives on passe donc la majeure partie du temps à travailler avec le ballon. on peut donc dire que le travail intégré est central à ce moment là. Chaque situation faite avec le ballon sollicitera physiquement le joueur. Mais une séquence de jeu (surface réduite ou grande), de conservation, de maîtrise technique individuelle, de travail aux postes...n'aura évidemment pas le même impact. On essaye avec la coach de se créer une base de données en fonction des situations avec ballon qu'elle met en place pour savoir quels efforts les joueurs produiront à ce moment là.


"Le football est un sport collectif
pratiqué par des individus qui ont 
un passé et des besoins différents."

Aujourd'hui, beaucoup d'entraîneurs et de préparateur athlétique parlent d'individualisation. Quel est ton approche de l’individualisation dans la préparation physique ? par profil ? par poste ?

Je suis totalement en accord avec ce concept. Le football est un sport collectif mais pratiqué par des individus qui ont un passé et des besoins différents. Le but est que chaque joueur puisse être au maximum de ses capacités du moment pour apporter au groupe.
Cela commence déjà avant le terrain, en fonction des pathologies dont a souffert un joueur dans sa carrière (lésions musculaires, articulaires) ou bien des déficits repérés (sur le plan musculaire, sur la stabilité, la mobilité, etc...) on va mettre en place avec le staff médical, des exercices (la plupart du temps avant l'entrainement) pour rééquilibrer le joueur, avec bien évidemment le but d'éviter la blessure mais également de le rendre plus performant.
On va également s'occuper des joueurs qui ne jouent pas ou peu le week-end en leur appliquant des charges d’entraînements plus élevées lors des décrassages notamment, ou parfois lors du début de micro-cycle tout en étant vigilant au programme qu'ils auront à effectuer les jours suivants.

Réalises-tu un travail de pré-échauffement avant séance?

Cette saison, à partir du mois de Novembre, lorsque les températures commençaient à chuter, les joueurs devaient effectuer un pré-échauffement en salle d'une vingtaine minute. On essaye de les sensibiliser au fait que cela est important dans la prévention des blessures mais également pour être performant dès le début de l'entraînement.




Quelle dynamique de charge préconises-tu à J+1 et J+2 ? Quels contenus PA à J-2 ?

Dans les 48h qui suivent un match je suis favorable à des charges d'entraînement légères voire nulles. L'importance doit être donnée à la récupération. Les demandes physiques et psychologiques sont telles lors des rencontres qu'il me semble nécessaire que le joueur se régénèrent  sur ces 2 aspects les 2 jours suivants.
A 48h d'un match, il me semble possible de garder un certain niveau d'intensité tout en faisant attention au volume afin d'arriver avec un niveau de fraîcheur lors de la rencontre. Des efforts brefs et intenses (de 1 à 5-6 secondes entrecoupées de périodes de récupération assez longues (1 min minimum) sous la forme de travail au poste par exemple. Des ateliers de travail d'appuis en fréquence notamment peuvent également avoir leur place.


Peux-tu nous dire quel est l'agencement des contenus PA au regard de la planification hebdomadaire (microcycle de compétition) ?


A J-4 : généralement nous reprenons par une séance à dominante aérobie (capacité), où je prends les 20 premières minutes avec un travail dissocié ou associé. On effectue également une partie de séances supplémentaires pour les joueurs n'ayant peu ou pas joué le week-end précédent, avec des ateliers permettant de travailler la PMA ou la répétition d'efforts à haute intensité.


A J-3 : on va travailler sur la dominante athlétique que l'on aura programmé pour ce microcycle. En début de séance si l'on fait de la puissance-force, puissance-vitesse ou vitesse-vivacité et plutôt en fin de séance si on est sur de la puissance aérobie. Sur ces 2 premières journées les joueurs ont un travail de force à réaliser en salle avant l'entraînement terrain. Il peut s'agir de musculation, de core training ou encore de travail spécifique gérer par les kinés.


A J-2 : on commence par effectuer une séance de renforcement-prévention dans un Dojo (qui dure 25 min environ). Sur le terrain, des ateliers de vivacité ou vitesse de réaction peuvent être réalisés.


A J-1 : on est sur des ateliers de vitesse de démarrage, vitesse de réaction et vivacité. Il y a, en plus pour certains joueurs, un travail en salle en utilisant la méthode stato-dynamique.


Quel protocole de récupération proposes-tu à l'équipe post match ? Y-a-t-il une différence à domicile et à l'extérieur ?


Après chaque match les joueurs ont droit à une boisson de récupération protéinée, distribuée par les kinés. 

A domicile, ils peuvent utiliser le bain froid qui se trouve à proximité du vestiaire. Le lendemain du match un décrassage est effectué : avec un travail aérobie d'une vingtaine de minutes effectuée sur le terrain (sans ou avec ballon), suivi d'étirements et d'immersion en bains contrastés et/ou massage avec les kinés. 
A l'extérieur il n'y a pas de décrassage obligatoire le lendemain du match, les joueurs (non blessés) sont off pendant 48h. Cependant un joueur souhaitant faire de la récupération peut venir au stade et réaliser cela sous le contrôle des kinés ou de moi-même en fonction des outils utilisés. 

Si enchaînement de match tous les 3 jours : à la suite du match, les joueurs doivent passer obligatoirement dans le bain froid (ou les poubelles) alterner avec la douche chaude. Puis ils ont un repas (dont le contenu est élaboré par le doc) à prendre en commun au stade.



Merci à Corentin pour cette riche interview, et ce partage d'informations !
Je te souhaite de bien finir la saison et d'en vivre pleins d'autres !!!

Pour aller plus loin :

http://www.clermontfoot.com/
http://www.mycoachrpe.com/
http://www.fieldwiz.com/
http://perfbook.fr/